En parallèle du travail mené sur le terrain des Dervallières à Nantes, et dans le cadre de ma résidence à la SMAC jazz du Petit faucheux à Tours, les salons de musique ont pris une nouvelle dimension.
Avec Cultures du Cœur et le Petit faucheux, ce sont deux partenaires de taille qui se sont investis. Là encore, la temporalité aura été déterminante. Plus d’un an et demi de travail pour mettre en contact 13 musiciens très expérimentés et des personnes en pleine découverte, autour des questions centrales de l’instant dans la musique et de la musique de l’instant. Là aussi l’action a été collective. Des associations comme le Petit faucheux et le réseau Cultures du Cœur ont enclenché un mouvement profond bien loin de la consommation passive, au coeur de l’échange. Au delà même des structures, Isabelle Boulanger, Marie Dubois, Stéphanie Gaborit, et de très nombreuses personnes se sont impliquées pour accueillir 13 salons, organiser les lieux, inviter le public, récolter les paroles, photographier les instants. Tous ensemble, nous avons retravaillé la dimension populaire de la musique de jazz en mélangeant les sphères privées et l’espace publique.
par Marie Dubois
Administratrice de Cultures du Cœur Indre et Loire
« Il n’y a pas d’un côté la figure de l’artiste qui tombe du ciel tel un deus ex machina doté d’une parole divine et de l’autre des gens ordinaires vivant des vies médiocres et qui, grâce à la démocratisation culturelle peuvent de temps à autre accéder aux œuvres de ces « gens magnifiques » que seraient les artistes. Tout ceci relève du mensonge, les artistes ont besoin des gens et de leur vécu pour nourrir leurs œuvres. » Philippe Mourrat*
Textes de lois, orientations et politiques publiques, missions intégrées aux équipements culturels, réflexions sur la place des artistes dans notre société… même si elle est omniprésente, la question de l’accès à tous aux pratiques culturelles est encore loin de prendre sens au quotidien. Si les acteurs culturels, associatifs et institutionnels travaillent sur la question des publics, les approches varient d’un établissement à l’autre. Alors qu’il existe un aller-retour entre le travail des artistes et l’espace social et que ceux-ci se nourrissent mutuellement, les actions culturelles sont d’abord souvent interrogées au regard de la qualité de leur contenu artistique sans réelle prise en compte de leur portée sociale.
Le succès rencontré avec le projet « 1 salon, 2 musiciens », s’est avant tout l’histoire d’une rencontre et le partage d’une vision commune entre Sébastien Boisseau, Le Petit faucheux et l’association Cultures du Cœur Indre et Loire. Il ne s’agit pas de l’artiste venant accomplir son « devoir social » en périphérie de ses activités artistiques, comme il ne s’agit pas non plus pour la salle de concerts, le partenaire « labellisé », de remplir ici son cahier des charges d’un quelconque volet d’actions culturelles.
Bien au contraire, il y a avant tout une conviction partagée, celle que chacun d’entre nous peut se sentir concerné par les musiques improvisées, être saisit et s’y sentir bien.
La conviction qu’il y a du public partout, que le champs d’action propre à la médiation culturelle ne doit pas se réduire à celui de l’intervention sociale standardisée, traité en option, en marge d’une programmation artistique qui tiendrait le haut du pavé.
Quand Sébastien nous a présenté le projet, celui-ci a pris sens immédiatement pour nous, au regard des valeurs que l’association souhaite défendre et partager. Nous n’avons pas sollicité l’artiste pour fabriquer un projet de toute pièce, mais c’est bien lui qui est venu avec. Dans ses bagages, l’envie de partager quelque chose de spécial. Et c’est aussi un partenaire de longue date, Le Petit faucheux, qui a souhaité s’investir une nouvelle fois et de bien des façons, dans un projet innovant à nos côtés.
Et puis, surtout, il y a les participants, les travailleurs sociaux et leur public. Le projet s’est construit avec eux. Et à chaque fois, la rencontre et l’échange avant toute chose. Non, on ne vient pas vous expliquer que le jazz s’est mieux que tout le reste, distribuer la parole divine, et vendre de futures places de concerts. Certains d’entre vous ne reviendront peut être jamais au Petit faucheux, et alors ?
On est entre nous. On est chez nous, dans notre salon.
Nous souhaitons partager ce moment ensemble, où l’on peut dire que l’on n’aime pas ça, où l’on n’est pas obligé de faire semblant.
13 salons, 13 fois la certitude que les histoires d’élitisme, les « ce n’est pas pour moi » n’ont plus cours.
13 fois merci !
Depuis près de 17 ans, Cultures du Cœur conduit un dispositif original et complet de lutte contre les exclusions, en favorisant l’accès à la culture – à toutes les cultures – aux personnes en situation de précarité économique et sociale.
Cultures du Cœur travaille sur la diversité des pratiques culturelles et sur la capacité des publics isolés à investir des lieux qui leur semblent «interdits». Là où certains proposent des soirées spécifiques, Cultures du Cœur défend, au contraire, la mixité des publics dans les lieux culturels pour donner la capacité aux bénéficiaires de retrouver confiance en eux en franchissant le seuil des théâtres, des musées, des concerts, etc. L’association est ainsi un outil de remobilisation, de lien social plaçant l’axe de la médiation culturelle comme un levier d’insertion.
Pour réaliser ces objectifs, Cultures du Cœur se positionne en situation d’interface entre les intervenants des domaines culturels et sportifs et les professionnels du champ social.
Dans le projet « 1 SALON, 2 MUSICIENS » nous avons immédiatement identifié et partagé des objectifs clés :
– Favoriser les liens afin de permettre de travailler sur la notion d’isolement social à travers l’échange culturel
– Encourager l’expression et la prise de parole individuelle au sein d’un groupe
– Ouvrir sur des réseaux culturels
– Favoriser les démarches participatives et le « vivre ensemble » (organisation de l’accueil, de l’aménagement de l’espace, des repas, etc.)
– Désacraliser les formes musicales jugées souvent élitistes et valoriser le « droit culturel »
Partenaire du projet, l’association Cultures du Cœur a ainsi mobilisé l’ensemble de son réseau de relais sociaux et accompagné la mise en œuvre de 13 salons sur la saison. Réalisés au sein même des structures sociales, les salons ont réuni plus d’une centaine de participants : acteurs au cœur du projet, ils ont à chaque fois réinvesti et transformé leur lieu de vie pour l’occasion.
Le vendredi 26 juin 2015 a été organisé un temps de restitution de ce projet, ouvert à tous, avec l’ensemble des participants des salons organisés précédemment. Tout l’espace du Petit faucheux a été réinvesti et transformé afin d’y organiser des “mini-salons” en réutilisant les décors des salons passés. L’occasion de pouvoir (re)partager ensemble l’expérience vécue, de se sentir un peu chez soi dans un équipement culturel !
Sébastien Boisseau – contrebasse
www.sebastienboisseau.com
Matthieu Donarier – saxophones et clarinettes
www.matthieudonarier.com
Sarah Colomb – violon
Louis Sclavis – clarinettes
www.inclinaisons.com
Cécile Capozzo – piano
www.cecilecappozzo.com
Samuel Blaser – trombone
www.samuelblaser.com
Yoann Loustalot – trompette
www.yoannloustalot.com
David Chevallier – guitares, banjo, théorbe
www.lesonart.com
Laura Perrudin – harpe
www.lauraperrudin.com
Eve Risser – piano
www.everisser.com
Werner Hasler – trompette
wernerhasler.com
Alexis Heropoulos – saxophone
Thibault Florent – guitare
soundcloud.com/so-lo-lo
Isabelle Boulanger, le Petit faucheux
Marie Dubois et Stéphanie Gaborit de Cultures du cœur
Mélissa Plet-Wyckhuyse – reportage radio
Rémi Angeli – photographies (toutes photographies © Rémi Angeli)
A tous les responsables et animateurs qui ont participé à cette aventure : Café associatif LA BARQUE, Association Léo Lagrange (GENTIANA), Pension de famille FICOSIL, Espace de la Douzillère (Hôpital de Jour Psychiatrie B), CATTP Louis Pergaud, MDS antenne Chambray-les-Tours et le CCAS de Chambray les Tours, SEAD – SAVS Léopold Bellan, Association Tours Emploi, Pension de famille Les Capucins, FJT d’Amboise et le Centre Charles Peguy MJC d’Amboise)