Laval – intro

Musique de Salon, pourquoi ?

Il y a 3 ans, j’ai rencontré Sébastien Boisseau, sans vraiment connaître le projet qui allait nous emmener ensemble pendant de long mois. Nous avons discuté longuement et voilà qu’en quelques minutes, nous avions trouvé. La vision artistique de Sébastien, ancrée dans une profonde et pertinente remise en cause des principes formels de démocratisation culturelle, allait prendre forme avec nous, les habitants et les parties prenantes d’un territoire, qui, de 2016 à aujourd’hui, se conteraient par dizaines. 

« Musique de Salon » est dans un premier temps difficile à percevoir, par sa nature hybride, le projet interroge. Un concert de jazz ? une discussion libre entre voisins ? un débat rythmé par la résonnance physique et mentale d’instruments peu connus « en réalité » du grand public ? Musique de salon est selon moi et avant tout un prétexte. Réunir de façon empirique des habitants d’un quartier au contexte social et économique complexe, les faire se rencontrer créer des formes dynamiques permettant de casser l’isolement parfois cruel de certaines et certains, voilà pour nous l’enjeu. 

En une vingtaine de salon réalisés, près de 500 personnes ont participé à ces temps hybrides, à la frontière de l’action artistique et culturelle et de la démarche de solidarité. Notre projet associatif, reconnu et conventionné par nos tutelles ministérielles et nos collectivités, présente de façon transversale un rapport à l’utilité sociale, dont l’évaluation a été un des premiers fondements de notre démarche. Musique de Salon fait partie intégrante de cette entreprise.

Construire Musique de Salon, que ce soit dans des objectifs opérationnels réfléchis avec un bailleur social répondant à des problématiques de relogement d’habitats groupés ou de nuisances liées à des réhabilitations ; que ce soit au plus près d’acteurs du champ sanitaire et social ou de l’insertion ; ou par le rôle de mise en réseaux des services et acteurs de terrain des collectivités (maisons de quartiers etc..) ; construire Musique de salon donc, est avant tout une histoire d’étape et d’interconnaissance : notre association a ainsi tisser des liens grâce au projet avec un galaxie d’acteurs permettant de préfigurer l’efficience de collaborations futures sur le territoire, tout en proposant une démarche artistique très forte, outil de lutte contre l’isolement et l’exclusion ; outil de brisure des inégalités par le développement de la capacité d’action autonome des personnes en difficultés et, au-delà, petit écrin, cocon de découverte, de curiosité, véritable bien commun éphémère construisant les bases, à notre petit niveau, d’un lien social de proximité, premier pas vers l’entraide et cette forme d’organisation collective que nous espérons toutes et tous.

Musique de Salon est un temps de pause vers autre chose, dans un cadre parfois privé (chez l’habitant), et pose la question de l’interventionnisme des acteurs culturels dits « institutionnels ». Selon moi, c’est là qu’est la force du projet. Qu’un habitant ouvre ses portes est le plus grand des défis, tant parfois, la vie quotidienne de certains territoires pousse à la défiance et à l’isolement. Cette porte ouverte est notre but, est fait la force de ce temps d’improvisation artistique intense, choc duquel découle parfois, une confiance entre les habitants qui dans nos critères d’évaluation reste le plus difficile à encadrer. Au-delà du nombre de personnes, de leurs caractéristiques sociales, de leur sexe, leur âge, de leur implication, c’est « l’après salon » qui compte pour nous, plus que tout. La confiance renouvelée envers le gardien d’immeuble qui a facilité la démarche du Salon, ces échanges naissants entre voisins pourtant si proches, sur le même pallier, qui dorénavant jouent aux cartes à tour de rôle les uns chez les autres, ces gages de confiance entre inconnus hier, copains de sortie et de promenades aujourd’hui. 

Le choc artistique comme prétexte à la participation, cela correspond à nos valeurs, puisque c’est aussi ce que nous cherchons en organisant des concerts, en travaillant en milieu scolaire toutes l’année, en accompagnant les pratiques amateurs, etc… L’important reste cette porte ouverte, dont musique de Salon reste un parfait exemple.

Lucas BLAYA
Directeur
6PAR4
Festival les 3 éléphants