En musique, l’improvisation est une langue sans nationalité, pourvue d’un vocabulaire qui peut être d’une précision encyclopédique, ou parfois se rapprocher d’un charabia agglutinant les sons, les bruits, les vibrations. C’est une langue bien vivante en tout cas, en perpétuelle évolution, alors qu’elle est sans aucun doute la plus ancienne des langues musicales. Celle dont l’origine est la plus primitive et qui ne cesse de scruter la minute à venir…
Un langage, comme tout autre, avec ses mélodies, ses silences, ses non-dits, ses révoltes, ses poèmes, ses interrogations. Avec l’improvisation, on peut aussi raconter des histoires, générer des émotions, on peut communiquer avec les autres, et on peut surtout s’adapter et réagir. S’il y a une priorité en improvisation, c’est bien celle de l’instant et de l’attention aux autres.
Lorsqu’avec le BiblioPôle, service de lecture publique du Département de Maine-et-Loire, l’idée d’une série de salons a germé, avec à la clé des échanges sur différents territoires, entre des publics, des auteurs et acteurs différents, c’est bien la question centrale des langages qui s’est imposée.
Les représentations et les idées reçues sont souvent des freins pour s’aventurer en terre littéraire ou musicale. Dans cette aventure des salons j’ai souhaité les court-circuiter en usant au maximum du mystère et de la curiosité.
Mais dans cette tâche, on n’avance pas seul. C’est grâce à la confiance que le BiblioPôle a placé dans ce travail que nous avons expérimenté un autre rapport au texte et à la musique.
Avec l’équipe du BiblioPôle, sa connaissance du terrain, de ses structures et de ses acteurs nous avons rencontré des publics de 7 à 77 ans. Ces personnes n’étaient pas au salon par hasard, elles y étaient car elles avaient un lien avec les médiathèques. La plupart d’entre elles ont expérimenté la langue, l’instant, l’écriture, l’invention lors d’ateliers qui se sont déroulés avec les auteurs à la suite des salons.
Vous trouverez donc ici quelques traces sensibles de nos échanges.
Des mots, des idées, des images, des paroles, une bande son originale …
Le plus souvent les traces écrites sont anonymes. Est bien malin celui qui devinera qui, de l’enfant ou de l’adulte, a écrit ces quelques lignes.
Si j’ai volontairement laissé quelques “fôtes”, c’est parce que l’improvisation ne nous laisse jamais le temps de la correction.
Seuls le sens et l’intuition comptent.
Car improviser, c’est surtout choisir …
Sébastien Boisseau
En faisant intervenir le contrebassiste Sébastien Boisseau autour de son concept « la musique de salon* », le BiblioPôle ne pouvait que se réjouir de partager cette aventure avec les territoires d’Angers, de Segré-en-Anjou Bleu et d’Anjou-Loir-et-Sarthe.
Accompagné du poète-slameur PoiSon d’Avril, de Mike Ladd ou des poètes Sébastien Ménard et Lucie Taïeb, Sébastien Boisseau a su faire entendre son approche de l’improvisation tout en lançant des ponts entre musique, écriture et lecture.
Ensuite, au cours d’ateliers d’écriture, les mêmes enfants, collégiens ou usagers des bibliothèques ont pu s’exprimer tout simplement et laisser libre cours à leur imagination.
C’est une partie de ce travail collectif de création qui est ici archivé et qui existe également sous la forme d’un coffret CD. En bonus également sur ce site, extraits musicaux et photos de la chanteuse Isabel Sörling qui nous proposa un salon en plein-air dans le cadre du Saveurs Jazz Festival.
*Ces actions se sont inscrites dans le cadre du Contrat Territoire Lecture Drac Pays de la Loire / Département.
Et si tout poème est un balbutiement, alors nous balbutions ensemble — et c’est comme à cette énergie de bête qu’il faut savoir aller puiser ou s’abreuver, et se renifler, et se tapir, et se blottir, et surgir, et se sentir, et s’observer, et se frotter, et se terrer, et haleter, et courir — courir comme les bêtes savent courir pendant des heures et à travers les nuits, exaltées — courir dans un cri silencieux et ceci avec tout le corps là, avec tout le corps sué, avec tout le corps oui, avec tout le corps mais ceci a déjà disparu — pfiut pfiut.
« Sébastien Ménard (avec Marguerite Duras, Fred Griot, Robert Juarroz, Mahigan Lepage et Christian Prigent…) »
Je ferme les yeux
Et je rouvre les yeux
Et je suis dans un drôle de monde
Puis j’écoute
J’ouvre les yeux
Et j’écoute la nuit
Je rouvre les yeux
Et je ne vois rien
Je ferme les yeux
Et je vois la mer
D’un bleu très clair
Puis Je plonge
Et ça fait plouf !
Je ferme les yeux
Et j’écoute
Je rouvre les yeux
Et je me retrouve chez moi
Sombre, noir, rouge, c’est ma vie
Le bonheur, je le cherche, je l’envie
Le trouver ?
Je n’y suis jamais arrivée.
L’atteindre ?
Je veux essayer
Une odeur de terre
Terre sous mes pieds nus
Un espace de cache-cache
Cache-cache avec les cousins
Un lieu de vie, un lieu pour rester seule
Seule pour réfléchir à la vie
une sensation de bien-être, de chaleur
Chaleur de ce soleil qui tape sur le verre
Un stock d’outils pour jardiner
Jardiner et prendre soin de ces roses
Un refuge pour te retrouver
Les coteaux qui bordent le ruisseau du pressoir et conduisent à la cascade de Pommiers sont mon lieu de refuge.
C’est là que j’ai vécu et suis restée jusqu’à mes dix huit ans. Ce lieu m’apaise, me fait mesurer la force de la nature.
J’ai passé beaucoup de temps ici en été, à surveiller le troupeau des vaches de la ferme, à les rechercher lorsqu’elles disparaissaient dans les fourrés, les épines.
Quand j’étais au lycée et que je me sentais fatiguée, le soir une promenade dans ces lieux, seule avec mon chien, était source de bien être et de repos.
Aujourd’hui, lorsque je retourne dans cet endroit, je me sens chez moi, et le calme revient.
Je sui dans le cor humin
et j’escalade la cage torasique
je nage dans l’estoma
je fais tu tobogan
dans les intestin
je fais du trempolin
sur le ceure
je me fais un ami
je dors sur le foin
et je fais des liane
dans les narine
Moi
Ma vie
Tout ça
C’est moi
Et ça
Je ne l’oublierai
Jamais
C’est comme
Un rebondissement
Dans
Mon coeur
Décembre 2018
1 salon + un atelier d’écriture au collège Vallée du Loir de Seiches-sur-le-Loir
invité : PoiSon d’Avril – slameur
www.poisondavril49.wixsite.com/avrilsauvage
Février 2019
1 salon + un atelier d’écriture à la médiathèque de Segré-en-Anjou Bleu pour l’école des Pierres Bleues
invitée : Lucie Taïeb – autrice, poète
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucie_Ta%C3%AFeb
Avril 2019
1 salon + un atelier d’écriture à l’Autre Bar Ailleurs à Marcé
invité : Sébastien Ménard – auteur
www.diafragm.net
Juillet 2019
1 salon au festival Saveurs Jazz de Segré-en-Anjou Bleu
invitée : Isabel Sörling, chanteuse
www.isabelsorling.com
Mars 2020
1 salon + un atelier d’écriture à la Bibliothèque Anglophone d’Angers
invité : Mike Ladd, rappeur
www.mikeladd.fr
Le BiblioPôle remercie
Le réseau des bibliothèques d’Anjou-Loir-et-Sarthe
la Bibliothèque Anglophone d’Angers
Le collège Vallée du Loir de Seiches-sur-le-Loir
La médiathèque et l’école des Pierres Bleues de Segré-en-Anjou Bleu
La Direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire
Les artistes
Sébastien Boisseau remercie
Lucie Taïeb, Sébastien Ménard & PoiSon d’Avril, Isabel Sörling et Mike Ladd pour leur ouverture et leur curiosité. Le Département de Maine-et-Loire et le BiblioPôle pour leur confiance et leurs contributions au projet 1 Salon, 2 Langues.
www.bibliopole.maine-et-loire.fr
Toutes les équipes et les structures qui participent à l’aventure des salons, Fany Boisseau-Thyus, Jean Depagne et Mathieu Billaud, Simon Barreau, David Chevallier, les associations Wanbliprod, Yolk et La Navette. Les photos ont été prises par le BiblioPôle, Sébastien Boisseau et Jean Thévenoux.
Les extraits musicaux ont été équilibrés par David Chevallier.